Relaxe de poursuites pénales diligentées contre un dirigeant de société de sécurité privée (033)
Le Cabinet de Maître Ciaudo est amené à traiter exceptionnellement de dossiers relevant du droit pénal lorsque ceux-ci sont liés à des problématiques de droit public, comme c’est le cas en l’espèce (Tribunal Correctionnel Dijon, 11 décembre 2023, n°2023/1511, rubrique affaires gagnées par le Cabinet, droit administratif divers, n°77).
Dans cette affaire, une société de sécurité privée avait conclu notamment deux contrats commerciaux avec un supermarché et une discothèque en vertu desquels une partie des agents de la société assurait des missions de surveillance et de gardiennage et une autre partie des agents assurait des missions d’accueil de la clientèle.
Cette formule commerciale globale permettait à la société de proposer à ses clients une prestation diversifiée comprenant à la fois une prestation classique de sécurité privée c’est-à-dire la surveillance des biens et des personnes par des agents titulaires de cartes professionnelles et ayant suivi une formation spécifique pour cette activité et une prestation complémentaire d’accueil des clients par des salariés spécifiquement dédiés à cette mission qui consiste à saluer les clients à leur entrée dans l’établissement, répondre aux questions de la clientèle, guider la clientèle dans l’établissement et assurer le vestiaire.
En 2014, cette société de sécurité privée a fait l’objet d’un contrôle administratif par les services du Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS).
Ce contrôle administratif a donné lieu à des poursuites disciplinaires au motif notamment du cumul des deux activités et du recrutement d’agents effectuant prétendument des missions de sécurité privée sans être titulaires de la carte professionnelle.
A la suite de ce contrôle, le CNAPS notifiait à la société et son dirigeant une sanction d’interdiction d’exercice pendant une période de six mois.
En pratique, cette sanction avait également pour conséquence de remettre en cause le modèle économique sur lequel repose ladite société de sécurité privée.
Sur le recours de Maître Ciaudo, le juge des référés près le Tribunal administratif de Strasbourg a alors ordonné la suspension de l’exécution de ces sanctions en retenant comme doute sérieux pesant sur leur légalité les moyens tirés de ce que les griefs reprochés aux exposants reposaient sur des faits matériellement inexacts et que les sanctions présentaient un caractère disproportionné (TA Strasbourg, 9 juillet 2015, n°1502987).
Toutefois, la Commission nationale du CNAPS saisie d’un recours administratif préalable obligatoire n’a pas tenu compte de cette ordonnance de référé car elle a de nouveau prononcé une interdiction d’exercice à la société et son dirigeant, cette fois pour un délai de cinq mois.
Le juge des référés près le Tribunal administratif de Strasbourg a alors dû intervenir une nouvelle fois afin de prononcer la suspension de l’exécution de cette nouvelle sanction, pour les mêmes motifs que la première (TA Strasbourg, 18 août 2015, n°1504190).
Par un jugement au fond, le Tribunal administratif de Strasbourg a finalement prononcé l’annulation définitive de cette sanction encore une fois en raison de l’absence de matérialité des faits qui étaient reprochés et du caractère disproportionné de la sanction qui avait été retenue.
Dès l’année suivante, ladite société de sécurité privée a fait à nouveau l’objet d’une procédure de contrôle par les services du CNAPS au cours de laquelle il a été précisé au dirigeant qu’il risquait une nouvelle sanction et des poursuites pénales au motif de la poursuite de son activité malgré la sanction d’interdiction d’exercice de six mois en 2015, sanction pourtant suspendue puis annulée par le Tribunal administratif de Strasbourg.
Cette procédure de contrôle ne donnera finalement pas lieu à de nouvelles poursuites disciplinaires.
Pour autant, les procédures sociales orchestrées à l’encontre de la société de sécurité privée et de son dirigeant sont à l’origine du déclenchement de la procédure pénale qui a mené au placement en détention provisoire du dirigeant de la société.
Il est surprenant de constater que les agents du CNAPS, qui ont été entendus à cette occasion, n’ont fait aucune mention des décisions du Tribunal administratif de Strasbourg ayant suspendu puis annulé les poursuites disciplinaires de 2015 ni n’ont informé les policiers en charge de l’enquête de l’absence de poursuites disciplinaires diligentées à l’issue du contrôle opéré en 2017.
En premier lieu, les dispositions du Code de la sécurité intérieure aux articles L. 611-1 et L. 612-2 consacrent un principe d’exclusivité qui s’applique aux sociétés de sécurité privée et qui implique qu’elles ne peuvent exercer des activités complémentaires qu’à la condition qu’elles soient nécessaires pour mener à bien les missions de surveillance et de gardiennage qui leur sont confiées, ce qui suppose l’existence d’un lien direct entre l’objet de l’activité complémentaire et l’objet de l’activité principale de la société.
En deuxième lieu, l’article L. 612-20 du même Code précise que l’exercice d’activités de surveillance des personnes nécessite la détention d’une carte professionnelle dématérialisée.
Or, le Tribunal administratif de Strasbourg a constaté à plusieurs reprises que les agents de la société qui n’étaient pas dotés de la carte professionnelle étaient affectés à des missions d’accueil et non à des missions de surveillance des personnes et a également confirmé la possibilité pour la société en question d’exercer des missions d’accueil parallèlement à des missions de sécurité privée, ces missions étant des activités connexes à l’activité de surveillance et gardiennage qui lui est dévolue.
En outre, tant les contrats signés avec le supermarché et la discothèque que les contrats de travail signés avec les agents mentionnaient clairement l’existence de deux catégories d’agents exerçant deux fonctions distinctes.
Chaque catégorie d’agents disposait également d’une tenue vestimentaire spécifique pour permettre à la clientèle d’identifier les fonctions respectives de chacun d’eux.
Les agents de sécurité arboraient des signes visuels distinctifs conformément à la législation en vigueur et les agents d’accueil étaient vêtus de chemises et de cravates.
Comme l’a donc relevé Maître Ciaudo dans ses écritures en défense, le seul fait que certains salariés de la société ne soient pas détenteurs de cartes professionnelles délivrées par le CNAPS n’est pas de nature à caractériser une infraction pénale dès lors qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que les agents qui ne disposent pas d’une carte professionnelle ont exercé des missions de surveillance des personnes.
Le Tribunal Correctionnel de Dijon a ainsi relaxé le dirigeant de ce chef d’inculpation.
Le modèle économique sur lequel repose la société de sécurité privée a pu être préservé.
Le Cabinet de Maître Ciaudo se tient à la disposition des sociétés de sécurité privée se trouvant dans une situation similaire afin de défendre leurs intérêts.
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