Les strictes conditions d’exercice du droit de préemption (015)

 

Sur la requête de Me CIAUDO, le Juge des référés près le Tribunal administratif de Besançon a rappelé le contrôle strict qu’il exerce en matière d’exercice par les communes de leur droit de préemption en cas de vente immobilière, lequel ne constitue aucunement une décision discrétionnaire (TA Besançon, 16 avril 2021, n° 2100486, rubrique affaires gagnées par le Cabinet, droit de l’urbanisme, n° 49).

 

Dans cette affaire, un maçon et son épouse cherchaient depuis deux ans un terrain afin de bâtir une maison et un entrepôt. Ils ont donc formulé une promesse d’achat avec un particulier afin d’acquérir un tènement non bâti composé de trois parcelles. Parallèlement, les conjoints ont formulé auprès du Maire de la commune une offre d’achat pour l’acquisition d’un entrepôt implanté sur le tènement mitoyen à l’Est des parcelles pour lesquelles ils ont formulé une promesse d’achat ; ils ont seulement obtenu un contrat de location avec la commune.

Par ailleurs, un compromis de vente des parcelles a été établi avec le particulier propriétaire et les conjoints ont obtenu deux certificats d’urbanisme opérationnels positifs pour la réalisation d’une maison d’habitation et pour un hangar de stockage sur les trois parcelles.

Or, la vente des parcelles en cause a été différée car le notaire avait omis de purger le droit de préemption. Une déclaration d’intention d’aliéner a été adressée en mairie. Celle-ci est revenue à l’étude du notaire avec la mention : « Le conseil municipal décide de faire valoir son droit de préemption sur la vente ». C’est la décision dont la suspension de l’exécution a été demandée au Juge des référés près le Tribunal administratif de Besançon.

 

Dans cette affaire, si le conseil municipal a effectivement été réuni, il ne l’a été que pour statuer sur l’acquisition desdites parcelles – question rajoutée à l’ordre du jour par le Maire – présentées par le maire comme étant « en vente » et sans que la question de la mise en œuvre du droit de préemption ne soit évoquée.

L’exercice du droit de préemption s’avère d’autant plus surprenante en l’espèce que par une délibération, le conseil municipal a autorisé la vente aux conjoints des parcelles mitoyennes qu’il louait à la commune.

Par ailleurs, le PLU communal approuvé le 20 février 2016 n’était pas disponible sur le site Internet de la commune ni sur le site Géoportail.

 

Le Juge des référés a facilement retenu l’urgence constituée par l’exercice du droit de préemption par le maire de la commune empêchant la réalisation du projet des conjoints prévu depuis une période de deux ans. Il a ensuite ordonné la suspension de l’exécution de la décision du maire exerçant le droit de préemption en retenant trois causes d’illégalité soulevées par Me CIAUDO :

 

En premier lieu, le Juge des référés a constaté l’absence de délégation accordée au Maire par le conseil municipal afin d’exercer le droit de préemption. Cette condition de délégation du droit de préemption par le conseil municipal n’est pas nouvelle, elle est prévue par l’article L 2122-22 du code général des collectivités territoriales. En effet, l’exercice du droit de préemption n’est pas un pouvoir propre du maire.

 

En deuxième lieu, le Juge des référés a estimé que le maire ne justifiait pas de la réalisation d’une opération d’aménagement dans un but d’intérêt général. Tandis que, les conjoints disposaient d’un projet bien construit visant à développer leur activité professionnelle en implantant notamment un entrepôt. Il ressort de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme que le droit de préemption doit être exercé dans un but d’intérêt général et ne saurait être mis en œuvre de manière discrétionnaire par la maire d’une commune.

 

En troisième lieu, le Juge des référés a estimé que la préemption litigieuse avait été exercée alors qu’il n’était pas établi que le droit de préemption urbain a été régulièrement institué au sein du PLU communal ni que les terrains en cause soient effectivement compris dans le périmètre de ce droit de préemption urbain. Il s’avère donc que le maire de la commune ne pouvait donc pas mettre en œuvre le droit de préemption.

 

Cette ordonnance démontre un contrôle approfondi du juge administratif sur l’exercice du droit de préemption par les élus locaux.

 

Le Cabinet de Maître Ciaudo se tient à la disposition des administrés se trouvant dans une situation similaire afin de défendre leurs intérêts.

Alexandre Ciaudo

Me Alexandre Ciaudo

Cabinet de Maître Ciaudo | Avocat Ciaudo