La préemption d’un terrain doit être justifiée par un projet d’intérêt général (021)
Sur le recours de Maître CIAUDO, le Juge des référés près le Tribunal administratif de Dijon, soucieux de la légalité des agissements de l’Administration, a suspendu l’exécution d’une décision portant préemption d’un terrain sans aucun motif (TA Dijon, 9 février 2022, n° 2200259, rubrique affaire gagnées par le Cabinet, droit de l’urbanisme, n° 55).
Dans cette affaire, un groupement foncier agricole a décidé de vendre un terrain non-bâti dont il était propriétaire. Un compromis de vente a été signé avec un couple très intéressé par le bien, dans lequel il y voyait le lieu d’épanouissement de leur projet.
Conformément aux dispositions de l’article L. 213-1 du Code de l’urbanisme, le notaire en charge de la vente avait ainsi adressé en mairie une déclaration d’intention d’aliéner.
Le Maire de la commune avait alors décidé d’exercer son droit de préemption afin d’acquérir, au profit de la commune, ce terrain particulièrement attrayant. Cette action avait ainsi eu pour conséquence d’évincer les acquéreurs.
En raison de l’urgence d’une telle situation, nécessitant de neutraliser les effets d’une décision de préemption, le cabinet de Maître CIAUDO a préconisé aux acquéreurs évincés d’exercer, parallèlement au recours en annulation, un recours en référé-suspension afin de faire obstacle à l’acquisition et à la prise de possession dudit terrain par la commune.
Le Juge des référés considère que dans une telle situation, la condition d’urgence est en principe constatée eu égard à l’objet d’une décision de préemption et à ses effets vis-à-vis de l’acquéreur évincé.
Par ailleurs, cette affaire permet de rappeler que le droit de préemption urbain, institué par délibération du conseil municipal ou de l’établissement public de coopération intercommunale, est strictement encadré.
Le Maire d’une commune ne peut donc aucunement exercer son droit de préemption afin d’acquérir un bien immobilier au bénéfice de la commune de manière arbitraire, en méconnaissance des règles juridiques établies.
Les requérants soulignaient en ce sens que la décision litigieuse était pleinement illégale à plusieurs titres :
- il n’était pas établi qu’un droit de préemption ait réellement été institué sur le territoire de la commune et que le conseil municipal avait expressément délégué pouvoir au Maire afin de l’exercer ;
- la décision litigieuse était insuffisamment motivée dès lors que le seul document porté à la connaissance des acquéreurs évincés était la déclaration d’intention d’aliéner revenue à l’étude notariale avec la seule mention « la commune décide d’exercer son droit de préemption » ;
- le terrain en cause n’était pas, dans son ensemble, compris dans le périmètre du droit de préemption urbain, dès lors qu’il faisait l’objet d’un triple classement, en zones AU, A et N ;
- la commune ne faisait état d’aucun projet communal, d’intérêt général, permettant de justifier la préemption.
Deux de ces moyens ont imparablement été retenus par le Juge des référés : l’erreur de droit commise par la commune pour avoir exercé son droit de préemption sur un terrain alors que ce dernier, dans son ensemble, n’était pas compris dans le périmètre du droit de préemption urbain ; et le défaut de réalité d’un projet communal.
En effet, en premier lieu, si le code de l’urbanisme prévoit, en son article L. 211-1, la possibilité pour les communes dotées d’un plan local d’urbanisme d’instituer un droit de préemption, ce dernier ne peut être exercé que sur les seules zones urbaines et d’urbanisation future. Un terrain classé en zone agricole ou naturelle ne peut donc aucunement faire l’objet d’une préemption sur le fondement de ces dispositions.
En second lieu, en vertu de l’article L. 210-1 du même code, le droit de préemption ne peut être exercé qu’en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, d’un projet communal tel que défini par l’article L. 300-1. A ce titre, le juge administratif n’hésite pas à sanctionner l’absence ou le défaut de réalité dudit projet.
Ainsi, le Juge des référés, soucieux de la légalité des agissements de l’Administration, a suspendu la décision de préemption litigieuse, faisant par conséquent obstacle à l’acquisition, par la commune, du bien en cause.
En l’absence d’instruction contraire, opposée par le Juge des référés, les premiers acquéreurs présumés, signataires de la promesse de vente, ont également pu mener, à leur profit, la vente à son terme.
Le cabinet de Maître Ciaudo se tient à la disposition des administrés se trouvant dans une situation similaire afin de défendre leurs intérêts.
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