Illégalité du refus de permis d’aménager s’il peut être accordé sous réserve de prescriptions spéciales (016)
La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu un arrêt sanctionnant l’attitude du maire d’une commune du Var ayant sèchement refusé la délivrance d’un permis d’aménager alors qu’il aurait pu délivrer ce permis en l’assortissant au besoin de prescriptions spéciales (CAA Marseille, 17 décembre 2020, n°19MA01614, rubrique affaires gagnées par le Cabinet, droit de l’urbanisme, n° 50).
Dans cette affaire, le maire de cette commune a opposé une succession de refus de permis d’aménager déposés par une société immatriculée en Côte d’Or, à chaque fois pour des motifs différents. Dans le premier état de son refus, en dépit de la signature avec la commune d’une convention de financement des réseaux, il justifiait sa décision par l’existence d’un potentiel risque d’inondation du lotissement projeté en qualifiant les terrains concernés de zones à risque, et faute pour le pétitionnaire d’avoir prévu les mesures de nature à anticiper la réalisation de ce risque.
Afin de surmonter cette difficulté nouvelle, l’entreprise avait alors sollicité l’assistance d’un bureau d’études ayant prévu une nouvelle solution technique plus sécurisante consistant en la création de bassins de rétention d’eau. Cette solution n’a pas satisfait la collectivité dont le maire a opposé un nouveau refus de permis d’aménager en prétextant cette fois que certains éléments du dossier seraient contradictoires. La société a alors déposé un troisième projet de permis, lequel a été à nouveau refusé malgré l’aval des autres institutions administratives locales dont le Département et la Communauté d’agglomération.
Sur le recours de la société, le tribunal administratif de Toulon a prononcé l’annulation de ce refus de permis d’aménager et a enjoint au maire de la commune de délivrer l’autorisation d’urbanisme demandée. Sur l’appel de la commune, la Cour administrative d’appel de Marseille a également statué en faveur de la société en sanctionnant une nouvelle fois le positionnement injustifié de la collectivité locale.
En effet, les motifs retenus dans le troisième refus de permis d’aménager n’ont clairement pas convaincu les juges qui ont reconnu d’une part la potentielle atteinte à la salubrité et à la sécurité publiques que se doit de protéger le maire en tant que titulaire du pouvoir de police administrative, mais d’autre part que les textes en vigueur n’autorisent pas l’édile à opposer un refus sec d’autorisation d’urbanisme lorsque des prescriptions spécifiques peuvent permettre sa délivrance.
En premier lieu, la Cour rappelle les dispositions expresses du code de l’urbanisme prévoyant que les projets d’aménagement susceptibles de porter atteinte à la sécurité et à la salubrité publiques ne peuvent être refusés, si et seulement si, des prescriptions spéciales ne sont pas envisageables et sans que ces dernières n’aient pour conséquence de bouleverser le contenu du projet. En l’espèce, tel n’était effectivement pas le cas, la commune aurait très bien pu proposer d’ajouter de nouveaux dispositifs techniques de nature à empêcher un potentiel risque d’inondation sans pour autant dénaturer le projet soutenu par l’entreprise. De plus, l’étude hydraulique mise en œuvre par la société pétitionnaire s’était avérée particulièrement rassurante quant aux chances d’évincer tout risque de dysfonctionnement grâce à la construction de bassins de rétention d’eau.
En deuxième lieu, la Cour évoque la nécessité d’une étude hydrographique pour ces terrains au vu de leur classement en tant qu’espaces vulnérables mais rappelle que la société avait bel et bien procédé à une telle étude en faisant appel à des experts qui ont reconnu un possible risque d’inondation, mais ont proposé un projet viable pour solutionner la difficulté.
En troisième lieu, la Cour dénonce l’erreur du maire qui s’était borné à subordonner l’autorisation du permis d’aménager à l’installation d’un mécanisme de « couplage » entre les deux bassins de rétention d’eau imaginés. Cette condition est manifestement apparue comme une exigence non justifiée et déraisonnable au vu de l’élaboration du projet par le bureau d’études qui avait d’ores et déjà prévu un dispositif de coordination entre ces deux bassins, lequel permettait de parvenir au même résultat.
En outre, la Cour a souligné que le terrain d’emprise du projet n’était assujetti qu’à un risque minime d’inondation ne rendant aucunement nécessaire un tel mécanisme de couplage des bassins et interdisant au maire de justifier son refus de permis de manière péremptoire sur le fondement classique de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme.
Cet arrêt démontre bien que l’activité des maires n’est pas sans contrôle et que le juge administratif peut constituer une solution face à l’entêtement d’élus locaux s’obstinant à opposer des refus à des autorisations d’urbanisme en modifiant à chaque fois les motifs de leurs décisions.
Le Cabinet de Maître Ciaudo se tient à la disposition des administrés se trouvant dans une situation similaire afin de défendre leurs intérêts.
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